Liam Shaw · Aha!  Détectives des Plantes · LRB 7 septembre 2023

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Jun 06, 2023

Liam Shaw · Aha! Détectives des Plantes · LRB 7 septembre 2023

L'ancien Palais de Justice de Lyon est l'un des plus beaux exemples d'architecture néoclassique en France. Son hall d'entrée est flanqué de colonnes de marbre et des lions ailés rôdent

L'ancien Palais de Justice de Lyon est l'un des plus beaux exemples d'architecture néoclassique en France. Son hall d'entrée est flanqué de colonnes de marbre et des lions ailés rôdent autour des architraves. Entre 1845 et 1995, il abrita les grandes cours de la région environnante. À partir de 1912, l'accès au premier laboratoire médico-légal officiel de la police au monde se faisait en entrant par une porte arrière et en montant trois étages d'escaliers grinçants jusqu'au grenier. Edmond Locard, fondateur du laboratoire, est crédité de l'idée selon laquelle « chaque contact laisse une trace » (les médecins légistes modernes appellent cela le principe d'échange de Locard). Ce que Locard lui-même a écrit était plus prudent. Il a observé que commettre un crime violent nécessite d'agir avec intensité : la lutte désespérée, le coup fatal, la sortie effrénée. Et l’univers n’est pas entièrement fait de marbre brillant. Nous sommes entourés d’un monde désordonné et collant de matière atomistique. Un criminel ne peut éviter de laisser une trace de sa présence – et d'emporter quelque chose avec lui.

Dans Pietr le Letton (1931), première sortie de l'inspecteur Maigret, Georges Simenon cite Locard et les « outils étonnants » que la nouvelle médecine légale avait donné à la police, « le principe de la trace, etc. ». Comme le raconte David Gibson dans Planting Clues, Locard était également un botaniste passionné. L'un des nombreux cas qu'il a inclus dans ses manuels décrivait un homme retrouvé assassiné dans la campagne près de Lyon. Un groupe de suspects a été arrêté. En inspectant l'un de leurs manteaux, Locard remarqua une seule graine de pissenlit vaporeuse coincée dans le tissu. Au début, il pensa qu'il s'agissait du pissenlit commun, Taraxacum officinale. À ce stade, un moindre botaniste aurait pu se reposer. Mais Locard savait que le genre Taraxacum contient de nombreuses plantes différentes. Rien qu'en Grande-Bretagne, il existe plus de 239 « microespèces ». En y regardant de plus près, Locard réalisa que la graine provenait d'une espèce rare, la même sorte que celle qu'il avait vue – aha ! – poussant en touffe à côté du cadavre. Ce « détail en apparence infime », déclara-t-il avec panache, avait résolu l'affaire. La tache de sang sur le manteau du suspect était également un indice, mais Locard a choisi de l'éluder dans sa description de la « solution ». Il adhère aux conventions non de la science mais de la littérature : un mystère doit être résolu par un détail insignifiant bien en vue.

Pour la personne moyenne, la poussière ressemble à de la poussière. Mais en y regardant de plus près, la poussière s'avère être bien plus variée que celle des pissenlits. Locard a mené une enquête de dix ans sur les poussières organiques. Une grande partie de la composante organique de la poussière est constituée de pollen et de spores de plantes et de champignons, appelés « palynomorphes ». La palynologie est le domaine consacré à cette diversité botanique. Les espèces végétales présentent différentes formes de pollen en fonction de leur environnement particulier et de leurs moyens de dispersion. Le pollen qui se déplace par les insectes possède des « crochets et des épines » caractéristiques pour aider à le sécuriser ; le pollen dispersé par le vent a tendance à être lisse et sphérique. Le pollen de pin possède deux « vessies à air » pour l'aider à rester en l'air (il ressemble un peu à Mickey Mouse). Un collègue qui travaille sur les plantes m'a montré le pollen du cresson de Thale, Arabidopsis thaliana, une petite mauvaise herbe qui prospère dans les endroits mal aimés. (C'est un « organisme modèle » courant pour la génétique végétale.) Au microscope, ce qui était auparavant un grain de poussière jaune est devenu un cantaloup miniature à la peau ridée.

La complexité des formes palynomorphes confère à un palynologue expérimenté des capacités apparemment surnaturelles. Chaque endroit possède sa propre collection de palynomorphes, déterminée par son mélange de plantes et de champignons. L'une des applications de la palynologie est la reconstruction de paysages passés. Le pollen est petit mais robuste, chaque grain étant un véhicule blindé permettant de transporter un gamétophyte de l'étamine d'une plante au stigmate d'une autre, parfois sur de grandes distances. Sa couche externe, connue sous le nom d'exine, est constituée de sporopollénine, l'une des matières organiques les plus résistantes. Les archéologues ont découvert une abeille fossilisée vieille de 100 millions d'années avec du pollen encore collé à ses pattes. En classant les palynomorphes qu'ils trouvent dans des échantillons de sédiments et de sol, les palynologues peuvent décrire les plantes fantômes qui les ont excrétées des centaines ou des milliers d'années plus tôt.